Entrevista a Pedro Brieger, director de Nodal, en la página de la organización suiza E-changer

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L’Amérique latine a besoin de sa propre référence informative

Si l’Amérique latine et les Caraïbes affrontent l’immense défi que représente l’intégration régionale, celle-ci ne pourra pas être construite sur la base d’une dépendance informative. Nodal, une alternative médiatique. Interview

Si l’Amérique latine et les Caraïbes affrontent l’immense défi que représente l’intégration régionale, celle-ci ne pourra pas être construite sur la base d’une dépendance informative auprès des centres de pouvoir. Il est donc essentiel « de construire un agenda dévolu aux informations et de faire en sorte que les productions de chaque pays soient accessibles à tous et rapidement », souligne Pedro Brieger, sociologue et journaliste argentin.

En juillet de cette année et dans l’idée de donner vie à ce principe, il fonde Nodal, un portail dédié exclusivement aux nouvelles du continent. Ce projet, concrétisé en collaboration avec une équipe de communicateurs, est réalisé avec le soutien de FILA (Fondation pour l’intégration latino-américaine).

« Paradoxalement, malgré les courants démocratiques qui soufflent dans la région, la plupart des informations qui circulent ici sont produites par des agences européennes ou nord-américaines », relève Pedro Brieger au début de l’entretien.

Q: Lors du lancement de Nodal, la proposition, largement diffusée, était celle d’un portail de consultation et non d’un média informatif alternatif. Pourquoi ce profil ?
Pedro Brieger (PB): Nodal émerge à la suite de plusieurs années de réflexion sur les mécanismes de circulation de l’information en Amérique latine. Le premier problème auquel est confronté tout individu intéressé par les informations régionales, c’est qu’il ne sait pas par où commencer pour rester informé quotidiennement sur l’actualité. Il doit s’immerger dans les journaux de chaque pays pour savoir ce qu’il se passe et – évidemment – personne n’a le temps de faire ça. C’est pour cela que même les journalistes consultent uniquement tel ou tel journal de tel ou tel pays. Notre équipe de journalistes lit ce qui est publié dans toute la région et réalise une sélection pour que le lecteur intéressé puisse être informé sur une seule page et en quelques secondes, de ce qui se passe en Amérique latine et aux Caraïbes. D’une fois qu’il a une vision globale, il peut choisir un pays en particulier pour en approfondir les contenus. Avec la sélection que nous effectuons, nous présentons un agenda informatif contenant, selon nous, les nouvelles les plus pertinentes de l’information régionale.

Q: Comment est-ce que tout cela fonctionne ?
PB: Par exemple, deux semaines avant l’accession d’Horacio Cartes à la présidence du Paraguay le 15 août dernier, nous informions quotidiennement sur tout ce qui entourait cet événement. Les débats sur Cartes, les négociations avec les autres partis et, bien entendu, tout ce qui avait à voir avec la relation conflictuelle de ce pays d’Amérique du Sud avec UNASUR et MERCOSUR. En réalisant ce suivi, nous signalions au reste de la région que ce thème était majeur. Il s’est passé la même chose avec le 40e anniversaire du Coup d’état au Chili en septembre. Deux semaines avant, nous nous dotions d’un service spécial pour suivre de près les débats, les déclarations des politiques, les livres publiés et tout ce qui avait lieu au Chili. C’est une manière d’indiquer aux Salvadoriens, aux Jamaïcains, aux Mexicains etc. qu’il s’agit pour nous d’une thématique importante. Et sur Nodal nous fournissions évidemment de nombreuses informations sur ces thèmes. Cette information nous ne l’élaborons pas nous-mêmes mais la reproduisons à partir de ce qui existe déjà, en quantité non négligeable.

L’Amérique Latine a besoin de sa propre référence informative

Q: C’est-à-dire que Nodal facilite la circulation d’informations thématiques de premier plan depuis et pour le continent ?
PB: En effet. Nous étions conscients qu’une grande partie des nouvelles diffusées par les journaux, les radios et les chaînes de télévision proviennent d’agences de presse européennes et nord-américaines. Nous avons donc réalisé un travail de relai des moyens de communication régionaux, des plus grands aux plus petits. Nous sommes ainsi en mesure de vérifier que la grande majorité d’entre eux se nourrit des informations provenant de ces agences et pas de ce qui est dit ou publié dans chacun de ces pays. Cette réalité entraîne deux problèmes. D’abord, une partie des nouvelles arrive tard et, par ailleurs, elles reflètent la vision et les contenus de ces agences. Cela signifie qu’il manque un regard latino-américain et caribéen sur les thèmes de la région. Il n’est pas possible que les médias européens ou nord-américains soient la référence informative de l’Amérique latine.
Nodal cherche à être une référence permettant aux journalistes, politiciens, entrepreneurs et au public en général d’accéder à l’information élaborée de manière spécifique dans chaque pays. Par exemple, il ne faut pas attendre qu’un journal espagnol comme El País donne des informations sur la décision du Parlement péruvien d’accorder à la Bolivie un accès à la mer via le port d’Ilo, alors que la presse nationale a largement couvert le sujet.

De plus, il y a beaucoup de thèmes que les grandes agences ignorent pour de nombreuses raisons et auxquels Nodal offre une visibilité parce que nous pensons qu’ils sont pertinents. Par exemple, l’actuelle initiative lancée dans plusieurs nations des Caraïbes visant à réclamer des réparations pour l’esclavage imposé par les puissances coloniales. Ce thème est très important dans cette zone et même la Communauté caribéenne (Caricom) en a parlé. C’est pour cela que sur Nodal nous lui consacrons un espace alors que les grands médias européens l’ignorent.

Q: Nodal se veut comme espace vaste et divers …
PB: Nodal est une source indispensable à consulter pour toute la région qui met l’accent sur les processus d’intégration régional. Nodal n’est pas un site « alternatif » si l’on comprend par ce mot une alternative à un espace informatif destiné aux spécialistes qui suivent un thème en particulier ou ont une vision idéologique étroite.

L’information comme bien public

Q: Est-ce que le débat sensible et de fond entre l’information comme bien public – et pas comme marchandise – fait partie de la réflexion conceptuelle des professionnels qui soutiennent Nodal?
PB: Evidemment que ces thèmes sont débattus. Et nous l’exprimons dans notre pratique quotidienne. Je m’explique : le droit à l’information c’est, concrètement, diffuser la Déclaration de Paramaribo concluant le dernier sommet d’UNASUR fin août, événement qui n’a pratiquement pas été mentionné par les grands médias. Il est possible que beaucoup de journalistes ne sachent pas où la trouver. Nous la publions sur Nodal pour qu’elle puisse être consultée et c’est là l’un des services que nous souhaitons offrir.

Q: Nodal a déjà fêté deux mois d’existence, il serait intéressant d’avoir un premier bilan, ce qui vous a le plus surpris …
PB: Dans ce court intervalle et sans l’appui d’une grande campagne de diffusion – qui serait difficile puisqu’il faudrait couvrir toute la région, qui est bien vaste – nous avons comptabilisé environ 35 000 visites sur notre page. Celles-ci provenaient de presque mille villes situées dans 81 pays, ce qui montre la pénétration de Nodal dans beaucoup d’entre eux. Cela nous encourage à continuer sur cette voie.

Q: Une petite réflexion finale?
PB: Insister sur notre essence : Nodal ne peut pas couvrir tous les domaines et toutes les régions, cela lui ferait perdre sa force spécifique qui est l’Amérique latine et les Caraïbes. Les collègues qui nous proposent de couvrir d’autres régions et d’autres thématiques ne manquent pas. Mais nous ne pouvons pas autant nous diversifier, sachant qu’il y a d’autres sites plus spécialisés sur ces thématiques. Notre travail est spécifique et ce principe constitue un cadre conceptuel important nous permettant de bien faire ce que nous offrons. Nous garantissons la qualité, la professionnalité, la diversité, mais dans le cadre spécifique de notre continent…

 

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